Yannick, responsable des contrôleurs à Paris Nord, et Christophe, chef d'une équipe mobile qui sillonne la ligne H au quotidien, répondent aux questions - et aux critiques ! - sur la lutte contre la fraude et les incivilités.
Nous recevons régulièrement des questions sur le dispositif de lutte contre la fraude et les incivilités sur notre ligne, que ce soit sur la présence des agents en gare ou sur leurs missions.
Comme c’est un peu notre sujet du moment sur le blog de ligne H, j’ai interrogé 2 agents au cœur de ce dispositif pour mieux comprendre leur rôle, le cadre dans lequel ils interviennent, et ouvrir un dialogue avec vous. Je suis parti autant que possible de vos questions récurrentes que j’ai pu lire. N’hésitez pas à prolonger par vos propres questions en commentaires et je leur soumettrai !
Les présentations
Yannick, responsable du contrôle sur la région de Paris Nord
Je suis le chef d’orchestre de l’Unité Opérationnelle. J’organise avec mon équipe encadrante le travail de nos agents, en particulier sur la lutte anti-fraude qui est une de nos principales missions.
Avec Transilien, nous essayons d’être le plus innovant possible pour lutter contre la fraude. Nous intervenons sur notre territoire aussi bien en tenue, qu’en civil, en gare ou à bord avec des agents sélectionnés dotés d’une grande capacité d’adaptation.
Christophe, chef d’une « Équipe Mobile de Ligne » (EML)
« Je pilote depuis juin 2018 une équipe d’une dizaine de personnes. Nous intervenons sur un périmètre qui va de Ermont à St Ouen, sur la ligne H et une partie de la ligne C.
Le principe de l’Équipe mobile, c’est de renforcer la présence d’agents en gare : nous gérons donc les « haltes sans présence humaine », c’est-à-dire les plus petites gares du secteur, qui n’ont pas un agent sur place en permanence. Nous sommes une entité d’appui et de support, par exemple lorsque nous sommes avisés d’une gare fermée, et plus largement, lorsqu’il y a besoin d’un renfort d’effectif – ou lors de certaines phases de travaux.
Les clients nous croisent très souvent, même s’ils ne nous distinguent pas forcément des autres agents. Nous intervenons également en situation perturbée où l’on vient en renfort sur les gares impactées, mais aussi lors des rencontres clients en gare que nous organisons régulièrement. »
Questions sur la fraude et les incivilités
Les incivilités ne sont-elles pas juste une manière de pointer du doigt le client et d’esquiver les critiques, par exemple sur des trains en retard ou bondés ?
Yannick : Ce n’est pas parce qu’on travaille là-dessus qu’on ne s’occupe pas du reste ! Ça fait aussi partie du trajet, de son bon déroulement. Et ces incivilités, c’est justement une source très forte de mécontentement lorsque nos voyageurs y sont confrontés : nous avons beaucoup de retours là-dessus, ainsi que des demandes et des objectifs fixés par notre autorité organisatrice, Île-de-France Mobilités.
Sans parler du fait que certains comportements ont un effet direct ou indirect sur la circulation des trains justement : retenir les portes, dégrader le matériel… Et même fumer d’ailleurs : non seulement ce n’est pas tolérable de se retrouver dans une voiture enfumée, mais en plus on va peut-être aller se serrer ailleurs dans le train pour ne pas avoir à le subir.
Les contrôleurs en civil, c’est une réalité encore assez peu connue des clients
Pourquoi je ne vois jamais de contrôleurs sur mon trajet ?
Yannick : Il y a plusieurs réponses à cette question, mais la première c’est que si, vous les croisez ! Mais en effet vous ne les voyez pas toujours. Le but recherché pour lutter efficacement contre les incivilités, c’est justement de ne pas être repéré ! Il faut savoir que certains de nos agents de contrôle sont en civil et se fondent donc parmi les voyageurs.
C’est aussi un moyen efficace contre les incivilités : par exemple, pour intervenir auprès de fumeurs sans être repéré de loin. Sans ça, c’est une gageure. Et la verbalisation elle-même se passe mieux ainsi : c’est plus discret, le contrevenant ne se sent pas mis d’un coup au centre des regards, ça se règle avec moins de conflit.
Les contrôleurs en civil, c’est une réalité encore assez peu connue des voyageurs – surtout bien sûr ceux qui ne fraudent jamais ! – parce que le contrôle en civil est une pratique récente : cela est seulement autorisé depuis le 28 Septembre 2016 avec la loi Savary.
Christophe : L’autre raison de cette perception qu’ont certains voyageurs est dû au fait qu’évidemment les contrôleurs et les agents ne peuvent pas être partout, tout le temps, donc c’est logique que vous ne les croisiez pas en permanence.
Par exemple, pour nous aussi, la lutte contre la fraude est aujourd’hui une mission du quotidien. On a un planning avec des sites prédéfinis, des tranches horaires et un contingent dédié selon l’ampleur du site. D’ailleurs, en général ce type d’opération est salué par les clients sur place. Nous devons néanmoins intervenir de manière efficace selon nos ressources disponibles.
[N.d.A. : Fin 2015 a été lancé un programme d’assermentation des agents en gare. Des agents, volontaires, ont été formés et sont désormais assermentés pour compléter le dispositif sûreté et lutte contre la fraude. 2 000 agents sont d’ores et déjà assermentés et contrôlent en gare. Les agents de l’équipe mobile de Christophe en font partie.]
Notre optique, c’est d’optimiser ces ressources afin de répondre au mieux aux besoins
Et on ne pourrait pas avoir plus d’agents dans les gares ?
Christophe : Nous devons faire avec les ressources qu’on a. Ça ne veut pas dire pour autant se contenter de ce qu’on fait aujourd’hui : notre optique, c’est d’optimiser ces ressources afin de répondre au mieux aux besoins des voyageurs et à ceux de la lutte anti-fraude. On ajuste tout le temps nos parcours, nos interventions, en fonction de tous les retours, d’agents ou de clients.
Nous sommes déjà dans le « zéro tolérance » sur la fraude
Vous faites beaucoup de « sensibilisation », ne faudrait-il pas aujourd’hui faire plus de répression ?
Yannick : Nous sommes déjà dans le « zéro tolérance » sur la fraude. Le taux de fraude en Île-de-France est de 7 %, ce qui signifie que, chaque jour, 220 000 personnes circulent sur notre réseau sans titre de transport. C’est énorme, et ça pèse naturellement sur le reste du service – sans parler de votre sérénité lors de vos déplacements.
Après, je pense qu’il faut savoir s’adapter en fonction des situations. La « sensibilisation » que l’on critique parfois, elle est nécessaire pour faire évoluer les comportements : comme on le disait, les agents ne peuvent pas être partout en même temps. Il y a aussi un vrai besoin d’information qu’on constate sur le terrain : les contrevenants ne se rendent pas forcément compte des désagréments qu’ils causent, et souvent ne savent même pas qu’ils s’exposent à une amende.
Par exemple, pour le phénomène de blocage des portes, la direction de ligne a organisé une campagne de sensibilisation sur plusieurs semaines, puis nous sommes ensuite intervenus pour appréhender les voyageurs qui bloquaient les portes. L’un ne va pas sans l’autre à mon avis.
Christophe : Même pour l’interdiction de fumer dans l’ensemble des emprises de la SNCF, ce n’est pas encore totalement assimilé par une partie des clients. Il faut le rappeler !
Il faut dire aussi, sur la prévention, que certaines incivilités (fumer sur les quais, jeter des détritus n’importe où…) peuvent se « régler » par l’échange. La pédagogie que nous faisons au quotidien sur le terrain, est nécessaire notamment parce que certaines personnes que nous abordons peuvent être d’un contact difficile. En effet, la « répression » n’est pas forcément aussi dissuasive sur ce profil de client.
Nous essayons de multiplier les rencontres en gare avec les clients, parce que ce sont des occasions d’échange précieuses
Vous dites que vous essayez en permanence d’ajuster vos pratiques : y a-t-il des changements à venir que nos lecteurs pourraient percevoir en gare bientôt ?
Christophe : Déjà, nous essayons actuellement de multiplier les rencontres en gare avec les clients, parce que ce sont des occasions d’échange précieuses dans notre métier.
Ensuite, à court terme, nous allons renforcer notre présence – aux côtés des agents des gares concernées – sur les quais où les départs de train sont statistiquement les plus impactés par le blocage des portes.
Par ailleurs, comme nous constatons qu’il y a encore un manque d’assimilation des règles de comportement et d’usage des équipements dans les trains et les gares, nous réfléchissons à d’autres manières de communiquer là-dessus, pour essayer de trancher avec les affichettes et annonces dont les voyageurs ont l’habitude, et dont l’impact peut s’émousser au fil du temps.
Comme je le disais en ouverture de ce billet : si vous souhaitez approfondir certaines questions avec Yannick et Christophe, ou même leur transmettre vos suggestions, déposez-les en commentaires et nous y répondrons sur le blog.
Bonjour,
Plusieurs matins une jeune femme longe la voie ferrée à pieds pour accéder au quai de la gare de DOMONT (95) (arrivée vers 7h10 sur le quai pour un train pour GDN vers 7h13/14 -ligne H ) donc elle prend un risque en passant par là (elle doit prendre vers le passage à niveau et longer 50/60 mètres de voie jusqu’à la gare de Domont et de plus elle ne valide pas son pass ou billet. Il serait bien de la prendre en flagrant délit en surveillant ce bout de quai.
merci pour votre compréhénsion,
Cordialement
Sylvie
Merci pour votre signalement ! J’ai remonté l’information à nos équipes concernées, je suis en attente de leur retour.
Bonjour,
Vous précisez « l’interdiction de fumer dans l’ensemble des emprises de la SNCF, ce n’est pas encore totalement assimilé par une partie des clients ». C’est exact et pénible pour les non fumeurs. Je me permets de le rappeler et montrer la signalisation d’interdiction de fumer, mais vos autocollants sont trop petits et pas forcément bien placés sur le chemin d’accès au quai (par exemple collés face aux rails sur les poteaux, ce serait plus visible face à l’usager qui entre sur le quai.
IL CONVIENDRAIT AUSSI QUE LES AGENTS SNCF S’ABSTIENNENT DE FUMER OÙ CE N’EST PAS AUTORISÉ, même si c’est « à ciel ouvert ».
Je trouve les campagnes d’information et sensibilisation assez timides dans l’ensemble, celle de l’an dernier n’a pas porté ses fruits :il y a toujours des fumeurs sur les quais, des mégots jetés n’importe où, des détritus à faible distance des poubelles, des chaussures sur les sièges, des téléphones qui diffusent sans écouteurs…
C’est dommage de passer par la verbalisation pour être entendu mais c’est souvent le seul moyen.
Autre remarque : dans les petites gares non équipées de tourniquet ou porte d’accès aux quais, il y a beaucoup de personnes qui voyagent sans valider de titre de transport et occupent des places assises alors que d’autres usagers en règle sont debouts. En 10 ans je n’ai vu que 2 fois des contrôles entre Méry et Paris.