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Un conducteur peut cacher un auteur

raphaelVous ne voyez pas, ou peu, les conducteurs qui vous transportent tous les jours sur notre ligne, et pourtant vous avez souvent beaucoup de questions à leur poser.

Ça tombe bien, j’ai fait la connaissance d’un conducteur particulier… il est, depuis peu, auteur ! Rencontre avec Raphaël, agent de conduite sur la ligne H.

 

Même si (ou parce que ?…) conducteur est un métier solitaire, ce sont souvent des agents qui aiment partager leur métier lorsqu’on leur en offre l’occasion. Il y a même parfois des « personnalités » reconnues par les clients eux-mêmes, à force d’emprunter leurs trains.

J’ai eu récemment un entretien avec l’un d’entre eux, Raphaël, qui conduit notamment sur notre ligne, et qui nous parle également de sa deuxième passion… l’écriture ! Il vient d’éditer son premier roman, et ce n’est tout de même pas tous les jours qu’on est transporté par des romanciers 🙂

C’est aussi l’occasion d’établir un premier contact avec lui sur notre blog, où je l’inviterai de nouveau si vous déposez des questions en commentaires de ce billet !

En quelques mots, peux-tu nous raconter ton parcours ?

Raphaël : Je viens de Troyes, j’ai été embauché à SNCF il y a 16 ans. J’ai commencé comme agent de maintenance voies. Pendant 5 ans, j’ai été aux manettes d’un engin de chantier. Ma pelleteuse était mon outil de travail. Un vrai plaisir car, tout gosse, je rêvais de conduire des engins de chantier. Puis évolution de carrière amorcée, j’ai passé un examen me permettant de progresser. En contre-partie, je devais me séparer de ma pelleteuse.

J’ai poursuivi ma carrière (2 ans), loin de tout engin et loin de la conduite. Puis une nouvelle opportunité s’est présentée : intégrer une équipe de la Traction. Après une année de formation à la conduite et surtout à l’apprentissage de la réglementation de la sécurité ferroviaire, j’ai pu intégrer l’équipe Traction et je me suis retrouvé derrière le pupitre d’un train. Cela fait maintenant 11 ans que je conduis et je prends toujours autant de plaisir à monter en cabine et à rouler sur nos lignes.

11 ans… : tu as connu les évolutions majeures de notre ligne ?

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Z6100

Oui, j’ai fait mes armes de conducteur sur des Z2N (automotrice électrique à deux niveaux), des VB2N (voiture de banlieue à deux niveaux) et des Z6100 (les fameux « p’tits gris »). Et depuis que la ligne H possède le Francilien, j’ai la joie de conduire ce magnifique train. C’est vraiment la Rolls-Royce du ferroviaire. Il est silencieux, dynamique, confortable. C’est le futur entre nos mains.

Mais je ne fais pas que rouler avec le Francilien, je transporte aussi les voyageurs des lignes K, D et B. C’est un matériel différent à chaque fois. Il faut que j’adapte ma conduite. C’est comme quand on utilise plusieurs voitures, le point d’embrayage ou la puissance de freinage changent, et il faut essayer de maintenir le même confort pour les passagers. Ceci dit, c’est aussi comme le vélo, dès qu’on est en selle, les automatisme appris en formation, et au fur et à mesure, prennent le relais.

Quels sont les coins de la ligne sur lesquels tu préfères conduire ?

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VB2N

La conduite, c’est une histoire de sensation… Je vais essayer de décrire au mieux ce que je ressens quand je suis dans la cabine. Dans un premier temps, la conduite sur la ligne H est vraiment agréable. En quelques tours de roues, nous sommes en pleine campagne Val d’Oisienne. Finie la pression parisienne, la densité des flux de personnes, de circulation. On est directement plongé dans des paysages magnifiques. En plus, cette ligne offre une conduite « tranquille », une vitesse souvent constante et des courbes souples. Par exemple, la partie de ligne que je préfère est l’axe Montsoult-Maffliers <> Luzarches. Sorti de la gare de Montsoult, on utilise la VU [Voie Unique] et on traverse des petites villes pittoresques, accompagnées d’un paysage de campagne. Il y a aussi la partie de ligne jusqu’à la gare de Valmondois… c’est « zen », c’est un moment où l’on peut reprendre son énergie pour retourner à Paris. Le Val-d’Oise est vraiment une région reposante quand on la traverse à bord du Francilien.

Un point qui, ici sur le blog, doit démanger les doigts de nos lecteurs et que je ne peux pas ne pas aborder : la prise de parole en situation perturbée, est ce que tu en fais ? Qu’en penses-tu ?

C’est vrai qu’il faut prendre la parole pour informer nos clients d’un événement ou leur communiquer un délai « théorique » d’arrivée en gare. Mais, même si notre métier évolue, notre mission principale reste de conduire le train et d’emmener nos clients, en toute sécurité, à leur destination. C’est l’essentiel et en même temps la partie la plus dure à imaginer pour un client parce qu’il ne la « voit » pas. Quand on est dans le train, en tant que client, on a toujours un peu l’impression qu’il se conduit tout seul.

En vérité, il y a des tâches successives à accomplir méticuleusement quand on conduit, comme être vigilant sur la signalisation, prendre en compte les modifications de circulation en fonction des travaux ou des événements extérieurs empêchant un trajet serein.

Quand je prends mon train pour un trajet spécifique, j’ai la signalisation tout au long du parcours qui va m’indiquer comment rouler mais aussi mon « carnet de bord » qui va me donner des informations à propos d’événements particuliers sur l’axe, auxquels il faut faire attention… Par exemple, une zone de travaux qui est sur le parcours et qui va me demander d’être très vigilant lors de son franchissement pour respecter un éventuel abaissement de vitesse et/ou pour ne pas percuter un agent en train de travailler… et ainsi garantir que le client ne sera pas impacté par cet événement.

Il faut maintenir sa concentration au même niveau pendant tout le temps du trajet, ça demande une certaine discipline. Et puis on ne sait jamais, un incident est vite arrivé et il nous faut rester vigilant dans nos opérations pour ne pas créer de « sur-incident ».

Mais c’est vrai que de pouvoir expliquer pourquoi nous sommes momentanément stoppés en pleine voie permet à nos clients de patienter en étant moins stressés, de se poser moins de questions. Je fais une annonce à chaque fois qu’on est arrêté en pleine voie mais aussi à quai lorsqu’on ne peut pas avancer immédiatement. Et puis on est tous ensemble dans le train, conducteur et clients, et c’est ensemble que nous attendons non seulement de repartir, mais déjà de comprendre pourquoi nous ne pouvons pas finir notre trajet dans les temps.

Pour terminer, je fais une parenthèse car j’ai appris que tu avais une autre passion, l’écriture. La conduite, c’était trop monotone ?

Pas du tout ! J’aime quand la vie n’est pas monotone et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la conduite ferroviaire me comble pleinement de ce point de vue. Chaque jour de conduite est nouveau, il ne ressemblera jamais aux précédents et sera toujours unique, de par les aléas qui ne sont presque jamais exactement les mêmes mais aussi de par les rencontres avec certains clients…

Mais j’ai aussi une autre facette de ma vie qui n’était pas comblée. Mon imagination. J’ai toujours eu la passion de l’imaginaire et il y a quelques temps, dans mes aller-retour, entre Troyes et Paris et lorsque que je dors sur Paris, je me suis mis à imaginer une histoire. Ma vie est faite de déplacements et de découchés, je vis sur Troyes et je monte sur Paris pour conduire. Pour faire simple, j’assure mon service de conduite sur Paris en dormant dans les chambres SNCF prévues à cet effet. Quand mon cycle de conduite est terminé, je retourne à Troyes pour 24h à30h environ, puis je reviens sur Paris pour un nouveau cycle de conduite (2/3 jours de suite). Oui, c’est un choix d’avoir mis son baluchon sur Troyes et c’est une adaptation familiale à avoir… Mais ce rythme m’a aussi donné du temps pour que ma passion prenne place dans ma vie. J’ai pu imaginer, griffonner et écrire mon histoire pendant mes trajets domicile <> travail. Et de fil en aiguilles, mon histoire s’est étoffée.

Nous avons la chance d’avoir, en tant que conducteur, des tablettes pour pouvoir emmener, en format digital, notre programmation, la composition de toutes nos journées de travail, nos documents de réglementation de conduite et rester connectés aux informations d’entreprise, quelque soit le lieux où nous nous trouvons et tout ça en temps réel. Bref, j’ai alors utilisé l’application de saisie de texte et j’ai commencé à écrire.

4 mois après mes premiers mots sur la tablette, j’ai pu finaliser mon premier roman : « L’inimaginable fléau ». Un roman fantastique racontant l’histoire d’une ville en Sibérie confrontée à une matière dangereuse bizarre, ressemblant à de la lave tiède qui s’étend partout….

Pourrais-tu donner à nos lecteurs une idée du style dont tu te rapproches ? Est-ce qu’il y a un rapport avec ta pratique quotidienne de conducteur, d’ailleurs ?

inimaginable_fleau_Je n’ai pas la prétention d’être un grand auteur ! Je ne suis même pas le plus assidu des lecteurs, mais j’ai voulu mettre sur papier un peu de mon imagination, ça me travaillait de plus en plus. Les livres qui m’ont marqué le plus sont ceux de Stephen King ou Jules Verne, cela se retrouve dans ce que j’écris.

Dans mon roman, on peut aussi trouver des références à plusieurs termes techniques liés à mon travail, aux engins dans lesquels on transporte nos voyageurs. Il y a forcément un peu de mon métier dans ce livre, mais ce n’est pas une histoire sur le ferroviaire. Peut-être le prochain !

Je remercie Raphaël pour le temps qu’il a voulu m’accorder, et pour l’intérêt qu’il a eu pour notre blog. 30 ans de ligne H pour ma part, et je n’avais aucune idée que j’y côtoyais un écrivain en herbe…

J’en profite pour placer une petite promo pour « L’inimaginable fléau« , si vous souhaitez découvrir son livre comme l’a fait cette voyageuse du RER D !

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Déposez ici vos questions, notamment sur la conduite sur notre ligne, à Raphaël : s’il y en a suffisamment, j’en ferai une synthèse pour lui et un article avec ses réponses.

Je me dis aussi que cela pourrait être sympathique de profiter de cette parenthèse littéraire pour que vous partagiez… ce que vous lisez de bien ces jours-ci lors de vos trajets sur la ligne H – si ce n’est pas (encore) L’inimaginable fléau !

5 commentaires pour “Un conducteur peut cacher un auteur”

  1. SHEPHERDPasser au statut dit :

    Un article qui sort de l’ordinaire : merci.
    J’ai un Kindle : je vais le commander ce W E

  2. NicoPasser au statut dit :

    C’est toujours un plaisir de lire de tels articles sur « l’envers du décor ». Merci Cédric et Raphaël, continuez dans cette voie. 😉

  3. JerePasser au statut dit :

    Interview très intéressant sur la traction, le livre a l’air très intéressant 🙂

  4. Raphaël Girard dit :

    Merci pour vos commentaires et tous vos « j’aime » chers usagers de la H.
    Voici le résumé de mon « Inimaginable fléau » :

    De nos jours, vers la fin de l’hiver sibérien une étrange matière sort du fond de la mine à ciel ouvert d’une des villes les plus isolées du monde. Ressemblant à de la lave tiède et jaunâtre, elle va tout engloutir lentement sur son passage.
    Le commandant militaire de la ville et ses hommes tentent vainement de l’arrêter. La seule option au premier jour de sa découverte est la fuite.
    Comment la stopper ? Quelle est son origine et sa composition ? Jusqu’où ira-t-elle ?
    L’auteur, dans un grand voyage où se mêlent terreur, angoisse et anticipation dans un mélange de genres situé entre Stephen King et Jules Verne, livre sa vision cauchemardesque de ce que personne depuis la nuit des temps n’a jamais osé imaginer.

    Au plaisir de vous embarquer dans mes trains.

    Raphaël Girard.

  5. baroPasser au statut dit :

    Je relaye cette info qui vient de me parvenir via la newsletter de La Vie du Rail : il y aura à partir du 30 avril prochain une exposition intitulée « Grand Train », dans l’ancien dépôt de La Chapelle (Là où étaient entretenus les « Petits Gris »), qui présentera notamment une sélection de matériels roulants anciens de la SNCF.

    Pour plus d’informations http://www.boutiquedelaviedurail.com/grand-train,fr,4,000017.cfm

Les commentaires sont fermés.

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